Stan est depuis plusieurs mois à New York. Il aime cette ville, toujours en mouvement, anonyme. Une ville comme New York lui convient tout à fait. Pourtant, Stan s’inquiète. Il était resté sans le faire pendant plusieurs années. A t-il perdu la main ? Saura t-il encore s’y prendre ?
New York, Skyline depuis Brooklyn Bridge. © Vanessa Rousselle
Il est 8.00 du matin, il est attablé au Wasabi Bar, un lieu froid et sans âme. Un fond sonore diffuse du jazz des années 40, ambiance « Casablanca ». Bizarre choix pour cet endroit à l’ambiance futuriste et à la lumière blafarde.
8.15. Avalant un sushi sans saveur, il se pose des questions, s’interroge. Va t-il réussir ce contrat ? Lui qui est toujours sûr de lui se met, pour une fois, à douter. Il ne devrait pas pourtant. Son geste reste sûr, son allure décidée. Son regard est sombre et profond. Avec sa chevelure afro, sa barbe un peu rousse et son teint clair, il attire les femmes qui lui trouvent l’air mystérieux. D’autant plus qu’il ne joue pas de son charme pour les séduire.
Depuis son arrivée à New York il s’est entraîné ici ou là, au fil des occasions qui se sont présentées. D’abord une cycliste énervée. Puis la voisine du premier étage, tellement curieuse… La première venait de Central Park, elle était chauffée à blanc, elle en voulait. Quant à la deuxième, leurs fréquentes rencontres dans le hall ou sur le palier du premier avaient créé une proximité, une urgence. L’air devenait magnétique dès qu’ils se croisaient. Toutes les deux l’ont cherché et, il faut dire, il a bien dû les contenter. Mais là, c’est différent, il s’agit d’un contrat, un vrai, en bonne et due forme. Et puis là, c’est avec un homme. Il n’a pas l’habitude des hommes. Tout ça le rend un peu nerveux.
8.20. Pour se calmer, se rassurer, il regarde la femme qui est assise à quelques tables de la sienne. Son profil se reflète sur les murs laqués blancs qui tapissent le restaurant. Elle est brune, très fine, ses cheveux longs lui courent jusqu’au bas du dos, son port est majestueux. Stan l’observe, la voit de trois quarts. Elle a un livre posé sur la table, il n’arrive pas à voir le titre.
8.25. Stan déguste lentement un thé vert qui donne la vague sensation de velours sur la langue. Ce sushi pâteux lui a laissé un mauvais goût dans la bouche, le thé est un peu moins mauvais. Le temps s’est arrêté.
8.30. Un homme, grand, entre dans le Wasabi Bar. Il semble chercher quelqu’un. A la vue de la femme assise à l’autre bout de la salle, son regard s’adoucit, un sourire s’esquisse. La femme brune ouvre le livre. C’est le signal. L’homme s’écroule. Stan vient de tirer. Stan a toujours la main.
Texte écrit dans le cadre de l’atelier d’écriture, Le temps d’écrire.
Vanessa Rousselle, août 2014.