L’impasse débouchait sur une jolie petite cour fleurie, où quelques amis s’étaient attablés autour d’une bouteille de vin rouge. Il faisait chaud, il faisait bon. C’était un de ces moments agréables où on a la sensation que le temps s’est arrêté, qu’on sait vivre un moment dont se souviendra en se disant qu’on était bien.
Pierre venait d’acheter de cette maison, un vieux moulin du côté de Bellegarde. Il y avait des rosiers grimpants, les murs étaient couverts de vigne vierge. Le jardin était un peu en pagaille. L’herbe, haute, avait profité de l’inattention de ces dernières semaines et de la générosité du soleil et parfois de la pluie pour pousser et se déployer sans gène. Il y avait un cognassier, quelques pommiers et poiriers ici et là, un cerisier au fond. Le long de la maison coulait un petit ruisseau. Le son était à peine perceptible, une très légère musique qui se mêlait au chant des oiseaux, perturbée parfois par une voiture qu’on entendait passer au loin. Pierre aimait cette maison. Elle lui rappelait son enfance, les étés qu’il passait chez sa grand-mère. Il y retrouvait les mêmes sensations d’apaisement, de calme. Cette sensation puissante et douce à la fois d’être où il faut être, exactement. Même si ce n’était pas la même région, même si sa grand mère n’était plus là, même s’il était maintenant adulte, il arrivait à renouer avec ces sensations et c’était bon.
Petit déjeuner à Murcie, Espagne. 2013. © Vanessa Rousselle
Pierre alla dans la cuisine chercher un verre. Le contraste entre l’extérieur et l’intérieur était si saisissant qu’il faillit perdre l’équilibre. Comme s’il était passé d’un monde à un autre. De la lumière éblouissante, chaude, à la pénombre, fraîche. Il resta quelques instants immobile. Il se mît à écouter le silence, ce silence qui n’en est pas vraiment un. Au loin, en prêtant attention, le bruit du ruisseau se mêlait aux voix de ses amis. Il les entendait se réjouir, plaisanter, raconter les vieux souvenirs du lycée, rire. Ça aussi, c’était bon. Ils avaient tous pris des chemins différents mais avaient toujours le même plaisir à se retrouver. Et la maison de Pierre, « le moulin » comme on l’appelait, était devenu le lieu idéal pour leurs retrouvailles, le port où on se retrouve en toutes occasions, surtout après les tempêtes pour panser les plaies ou au contraire dans les grands moments de joie et de célébration. Et puis des fois pour rien, juste comme ça. Une escale sur la route des vacances ou à l’occasion d’un week-end pendant lequel se reposer et souffler un peu.
Jacques et Sylvie étaient arrivés dans la matinée, les sœurs Angèle la veille au soir, la tempétueuse Sarah il y a quelques minutes à peine. On attendait Paul et Stéphane qui arriveraient plus tard, par le Paris-Genève de 17h42.
Demain, une grande journée les attendait.
Pour Camille,
Vanessa Rousselle, novembre 2013.